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texte à contrainte, premier du nom. (made with Louise-Michèle)

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Message  Yoendel 08.10.11 12:19

Texte à contrainte :
liberté : sans user de mot sur le thème de la liberté (antonymes autorisés) :

Enfermés. Tous ces pauvres gens enchaînés à leurs habitudes m'interrogent sur ce que je possède. Leur misère, leur vie verrouillée me semble si lointaine, je n'ai pas de maître, je ne suis esclave ni des gens, ni des passions. Je suis, je demeure. Et pourtant, je contemple ces êtres malheureux dont on plaindrait la vie morne et prévisible, j'ai beau la connaître je ne la comprend pas. J'ai longtemps cherché ce que j'ai enfin trouvé, mais je remarque que personne ne la cherche, que tout le monde reste clôturé chez soi à se droguer de ce que l'on ne trouve que dans une vie terne et obéissante. Personne ne s'interroge sur la précision extrême avec laquelle l'homme se maintient lui-même en esclavage, une autre vie leur est inconcevable. Pour beaucoup, je suis un échec à leurs classifications, à leurs tentatives de me contraindre à devenir un objet, à leur volonté implacable de me mettre en boîte et à m'empêcher d'être autre. On m'étudie, on me découpe, je suis physiquement emprisonné pour ne pas l'avoir été assez psychologiquement. Chaque jour je vois des gens en blouse blanche défiler devant moi, me jeter des regards condescendants et plaintifs, sans comprendre que ce n'est pas moi qui vis sous les barreaux mais eux, dans leur acharnement à se ranger derrière des barrières, à se servir de leur blouse blanche comme d'une cage cachant tous leurs sentiments et tout leur être ; je ne suis pas entravé, je me demande alors qui d'eux ou de moi est le plus cloîtré ; l'un regarde sa montre, l'instrument perfide dont le martèlement douloureux et implacable marque les ordres comme autant de marteaux s'acharnant sur le roc. Emploi du temps, programme, ordres et obligations, eux y sont tenus. Pas moi.
Moi je ne suis restreint ni par les horaires, ni par les mots. Le paganisme n'est pas dans ma nature, pas plus que l'obéissance, la volonté d'imiter, ou même que le mépris et le rejet. Chaque seconde qui s'égrène a sur eux l'effet d'un électrochoc, et sonne pour eux le glas d'un supplice mille fois répété au point que les tympans s'assourdissent. Leur train-train quotidien les détruit, alors que le même bruit pour moi peut évoquer le son d'une cascade jaillissante. L'horloge, leur divinité dont le rite sacré est de se soumettre à une perpétuelle contemplation durant les heures de travail n'est pour moi ni une tyrannie ni un supplice, mais le jeu harmonieux alliant musique et beauté. Où donc leur opinion a-t-elle trouvée cette si basse interprétation ?
Ainsi je ne sais nullement comment leur faire part de ma découverte, eux qui ne me comprennent pas, ou qui ont peur de me comprendre, peur des répercussions et des conséquences sur leur auto-tyrannie morbide. Je ne vois pas comment, avec mes piètres mots et les limites de leur vocabulaire enraciné dans une vie fade et bornée, leur donner envie de venir me rejoindre dans l'expérience inoubliable d'un monde où les chaînes ne seraient dans le dictionnaire que le descriptif des montagnes en communauté, où la restriction serait un néologisme à la base des mots « reste », « rie » et « action », qui témoignerait d'un état de vif bonheur : en un mot serait décrit une si bonne entente qu'elle éprouverait le désir de s'entretenir et de rester, « rions ensemble », en quelque sorte. Un monde où le verbe fermer serait l’œuvre du fermier, où l'esclavage n'aurait même pas sa place ni dans le langage vernaculaire ni dans le langage soutenu. Comment leur expliquer de quoi je veux parler ? D'ailleurs qui m'écoutera ? Leurs oreilles sont fermées sans être le fruit d'une ferme, leurs bras sont enchaînés sans être une saine communauté, leur vie est une restriction qui jamais ne clame « reste, rions ensemble ! ».
Je dois donc me taire. Ou plutôt, eux veulent me forcer à parler pour ne rien dire, alors je ne dis rien pour parler. Je veux donc me taire. J'use de mon silence comme d'une plume pour exprimer en mot les pensées qu'ils croient être des chiffres, secs, froids, et en musique ce qui leur semble être des bruits monotones en écho sur le mur de leurs souffrances. Là où eux sont limités et mis en conserve, là où eux ne sont plus, je suis. Et je suis le chemin que je suis... en vers, ou en prose. Sans aucun piège. Nul roc pour me faire chuter ou m'effondrer, nul scaphandre dont ma survie dépend. Nulle chaîne, et infiniment d'autres choses encore...


fait à Cissieu en carisieux, le 6/5/11 en présence de Louise-Michèle. un excellent moment de partage...
Yoendel
Yoendel

Humeur : variable... dérivable... et même C-infinie

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